Le Brexit crée une incertitude structurelle qui plonge le Royaume-Uni dans une crise sans fin.

Opinion de Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po, et membre de Fondapol.

Le Brexit crée une incertitude structurelle qui plonge le Royaume-Uni dans une crise sans fin. C’est le choc historique le plus dévastateur pour le Royaume-Uni depuis la Seconde Guerre mondiale. Deux leçons peuvent être tirées de cette aventure politique dans laquelle s’est engagé tout un pays.

Trois ans après le référendum sur le Brexit et à la faveur de la nomination de Boris Johnson, chantre de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et pilier de l’aile droite du parti conservateur, les interrogations restent entières sur l’issue de la relation entre Londres et l’UE.

En effet, Theresa May a tenté, pendant trois ans, de négocier un Brexit ordonné et de faire ratifier un accord au Parlement britannique. Or, le projet d’accord avec l’UE défendu par Theresa May a été rejeté en janvier, puis à nouveau en mars à une forte majorité, alors que le speaker de la Chambre, John Bercow, a exclu un troisième examen du texte au nom d’une règle remontant à 1604.

Une incertitude structurelle qui plonge le pays dans une crise sans fin

Le Parlement de Westminster a aussi refusé une sortie sans accord. Le Royaume-Uni, berceau du parlementarisme, se retrouve donc dans une situation inextricable : il n’existe pas de majorité parlementaire pour un Brexit sans accord (hard Brexit), ni pour ratifier le projet d’accord avec l’UE.

Or, le Brexit crée une incertitude structurelle qui plonge le Royaume-Uni dans une crise sans fin. Sur le plan économique, la croissance est passée de 3% à 0,8%. L’investissement recule de 1% par an et s’est effondré de 50% dans l’automobile. La City devrait voir partir 1.000 milliards sur 9.000 milliards de livres d’actifs qu’elle gère. Enfin, la vie politique britannique s’est balkanisée avec un parti conservateur réalisant le plus mauvais score de sa longue histoire aux dernières élections européennes (9%). Inversement, les promesses du Brexit se sont heurtées au principe de réalité : la libération de la croissance grâce à l’émancipation des règles européennes ; l’arrêt de l’immigration ; le réinvestissement dans la santé et l’éducation ; la restauration de la souveraineté du Parlement et des tribunaux britanniques ; le repositionnement du Royaume-Uni dans la mondialisation.

Le choc le plus dévastateur depuis la Seconde Guerre mondiale

Le Brexit constitue le choc historique le plus dévastateur pour le Royaume-Uni depuis la Seconde Guerre mondiale. Sans majorité parlementaire, Boris Johnson pourrait être contraint d’aller rapidement aux élections anticipées pour obtenir une direction politique claire. Deux leçons peuvent être tirées de l’aventure du Brexit.

En premier lieu, les démocraties libérales occidentales sont fragiles et attaquées par des populismes multiformes aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Italie ou en Europe centrale. Le combat contre les populismes doit donc d’abord être porté sur le terrain politique en renouvelant la classe politique et en modernisant les partis de gouvernement.

Toutes les questions doivent être débattues et traitées

En second lieu, les gouvernements doivent répondre à la décomposition des nations et à la déstabilisation des classes moyennes. Les questions de la stagnation des revenus, de la montée des inégalités, des impacts de la révolution numérique, de l’immigration ou du rapport de nos sociétés à l’islam doivent être débattues et traitées. Cela signifie que tous ces sujets doivent faire l’objet d’un débat politique, sans crainte de l’anathème ou de l’avenir, et obtenir des solutions concrètes à moyen terme. La protection des frontières européennes, la réciprocité en matière commerciale ou une meilleure égalité des chances sont ainsi des thèmes politiques majeurs pour les prochaines élections.

Winston Churchill avait déclaré :

« Il ne sert à rien de déclarer que nous avons fait de notre mieux, il faut juste faire ce qui est nécessaire. »

À l’heure où les démocrates relèvent la tête à Istanbul, à Kiev et à Hong Kong, il serait temps que les partis de gouvernement s’attaquent aux racines de la défiance démocratique et renouent avec les classes moyennes, lesquelles étaient qualifiées de pilier de la démocratie par Alexis de Tocqueville.

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L’AUTEURE

Laurence Daziano est maître de conférences en économie à Sciences Po, membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) ainsi que de l’Institut du Bosphore.

 

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